Le volontariat tue votre entreprise

« Nous lançons un projet de transformation d’entreprise innovant, pour repenser notre culture, notre manière de travailler ensemble et de gérer les projets, qui s’inscrit dans une démarche de co-construction. »

Vous entendez ça, et vous vous dites : « Top ! C’est ambitieux, c’est intéressant, en plus ça pourrait réellement améliorer les choses ».

Vous sentez l’énergie affluer en vous, vous êtes prêts à bomber le torse, à retrousser les manches, vous avez hâte de voir les premiers résultats.

Et là vous entendez : « Bien sûr, nous ne pourrons pas tous travailler sur le sujet. Il faut bien faire tourner la boutique. Des volontaires dans la salle ? »

Silence dans la salle. Déception. Le soufflet retombe.

« Pffff, tout ça pour ça. C’est toujours les mêmes qui vont se proposer et être choisi, ceux qui aiment que tout tourne autour d’eux. Ils vont proposer des changements pour eux, pas pour les autres. Allez, ça sert à rien, comme d’habitude, arrêtons d’écouter ».

 Demander s’il y a des volontaires est la pire manière d’avancer en entreprise. Et si vous affectez des volontaires à un projet, vous pourrez être certain que ce sera un échec retentissant.

​Les introvertis ne trouvent pas leur place

Ça vous paraît caricatural ? Pourtant tous les introvertis pensent comme ça face aux grands discours des dirigeants sur les transformations à venir.

Ils pourraient clairement faire la différence. Ils en ont les compétences. Ils en ont l’envie. Ils pourraient avoir le soutien de leurs collègues. Mais ils n’osent pas. Alors ils laissent les autres se proposer à leur place.

Le problème des introvertis c’est qu’ils ont du mal à se mettre en avant. Ils ont parfois même du mal à être lucide sur leurs propres capacités. Ils pourraient être les mieux placés pour travailler sur ce projet de transformation, mais vu qu’ils n’aiment pas se mettre en avant, personne ne le sait. Et personne ne vient les chercher.

Ils ne se cachent pas. Bien au contraire. Ils ont plutôt l’impression que leurs efforts sont invisibles. Qu’ils ne sont pas récompensés à leur juste valeur. Contrairement à ceux qui prennent tout le temps la parole. Qui occupent le temps et l’espace dès qu’on leur donne la possibilité.

Les introvertis sont une force silencieuse dans l’entreprise, sur laquelle on peut compter. Mais on l’oublie trop vite.

 Et le problème lorsqu’on demande des volontaires, c’est qu’on les exclue quasi d’office. On se prive de leurs talents. Et ça, ça tue l’entreprise à petit feu.

​Mais les volontaires sont impliqués, non ?

En général on me rétorque à ça que si ces personnes étaient si motivées que ça elles se porteraient volontaires.

En demandant s’il y a des volontaires dans la salle, on cherche à identifier les plus motivés à l’accomplissement de ce projet.

« On cherche des personnes impliquées, engagées, motivées. Pas des glandus qui vont se tourner les pouces pendant les réunions pour éviter de travailler pendant ce temps-là. »

Ah, d’accord… C’est un jugement à l’emporte-pièces ça.

Et d’abord comment peut-on dire que parce que je me porte volontaire, ma motivation principale est que le projet aboutisse ? C’est faux. On n’en sait rien.

Les motivations derrière peuvent être multiples, et pas forcément dans l’intérêt du projet ou du plus grand nombre. C’est même rarement le cas :

 Et vous devriez y prendre garde.

  • ​On peut chercher à se montrer, pour être dans les petits papiers de la Direction, et espérer avoir une augmentation à la fin de l’année.
  • ​S’insérer dans tous les projets d’entreprise pour montrer à quel point on est indispensable, et « cacher » des imperfections dans notre travail au quotidien.
  • ​Chercher à développer son réseau en rejoignant des projets où l’on pourra rencontrer du beau monde.
  • ​​Se porter volontaire pour faire capoter le projet car on a un intérêt personnel dans le statu quo.
  • ​Imposer sa volonté aux autres pour assouvir sa soif de pouvoir.

Bien sûr, il y a des motivations qui sont ​nobles. Mais pour avoir passé plus de dix ans à observer des projets d’envergure, je peux vous assurer que ceux qui se portent volontaires ont toujours un intérêt personnel qui prime sur le projet et l’intérêt du collectif.

​Pourquoi se baser sur le volontariat ?

Mais alors, pourquoi diable est-ce qu’on demande toujours s’il y a des volontaires en entreprise pour participer à un projet ? Pourquoi on le fait encore alors que ça ne fonctionne pas ?

C’est une bonne question.

Parce que c’est facile. Que c’est simple à dire et mettre en œuvre. Et parce qu’on est persuadé, à tort, que cette méthode est efficace. Tout comme on est persuadé que le brainstorming fonctionne vraiment.

Nos biais cognitifs sont à l’œuvre. Et il est difficile de les éviter. D’après Olivier Sibony, auteur de plusieurs livres, conférencier et ancien consultant spécialisé en management, « la plupart de nos décisions sont irrationnelles et inefficaces. Les sciences cognitives sont formelles.»

​Miser sur la confiance

Mais alors si on ne peut pas se baser sur le volontariat pour affecter les meilleures ressources à un projet en vue d’augmenter ses chances de réussite, que peut-on faire ? Que peut-on mettre en place ?

Je vous propose de miser sur la confiance. Non pas pour que ceux qui se pensent aptes se portent volontaires. Mais pour faire émerger les personnes les plus à mêmes de mener à bien votre projet.

Comment ?

Demander à l’ensemble de vos collaborateurs d’écrire les noms de trois personnes en qui ils ont toute confiance pour mener à bien ce projet. Demandez-leur d’être honnêtes. Car c’est dans l’intérêt de tous. Après tout, ce projet d’entreprise va apporter des bénéfices pour l’ensemble des collaborateurs.

Laissez-leur le temps de renseigner les noms de ces trois personnes en qui ils ont une totale confiance pour travailler sur ce projet, puis consolidez les réponses. Vous devriez avoir quelques noms qui reviennent souvent et se démarquent du reste. Félicitations, vous venez d’identifier les leaders d’opinion de votre entreprise.

Ils n’ont peut-être aucune mission managériale, aucun poids dans l’organisation. Mais ils ont pour eux le leadership d’influence. Qui est au passage plus puissant qu’un leadership hiérarchique. Ces personnes sont écoutées. On leur fait confiance. Elles sont réellement en capacité de faire bouger les lignes dans votre entreprise et de faire la différence.

Appuyez-vous sur elle. On s’en fiche qu’elles ne portent pas de costume ni de tailleur. Qu’elles ne soient pas à l’aise à l’oral. Qu’elles soient très opérationnelles. Ce qui compte c’est qu’on leur fait confiance. Ce qui compte c’est que ces personnes peuvent réellement faire la différence. Ce qui compte, c’est que le projet soit une réussite.

D’ailleurs, vous vous rendrez compte que bien souvent ces personnes ne se sont pas portées volontaires.

​Conclusion

Pour mener à bien votre projet de transformation d’entreprise, faites en sorte d’oublier sur le volontariat et de miser à la place sur la confiance que vos collaborateurs accordent à des leaders d’opinion. Vous vous assurerez ainsi d’embarquer la totalité de vos collaborateurs dans ce changement.

 Mais prêtez également attention à vos ambitions : à force de tout vouloir changer d’un coup, on finit par ne rien changer et revenir à la case départ.

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