Thibault Baheux
27 avril 2023  - minutes de lecture

Avez-vous déjà remarqué qu’on avait souvent une solution le matin en se levant à un problème non résolu lorsqu’on s’est couché ?

Avez-vous également remarqué que notre cerveau prenait un malin plaisir à nous rappeler toutes les tâches en suspend, à des moments improbables ?

Ou encore qu’on est tenté de finir la saison de la dernière série que l’on vient de commencer sur Netflix ?

Curieux, non ?

Dans ce cas, vous avez sûrement eu affaire à l’effet Zeigarnik, sans même le savoir.

Cet effet est basé sur l’idée que c’est dans la nature humaine de vouloir finir ce qui a été commencé.

Je vais vous expliquer dans cet article comment libérer votre cerveau des tâches inachevées, et ne plus vous faire parasiter inutilement la mémoire.

Qu’est-ce que l’effet Zeigarnik ?

L’effet Zeigarnik est un principe psychologique qui a été mis en évidence en 1926 par la psychologue russe Bluma Zeigarnik.

Elle a observé que les garçons de café étaient capables de mémoriser toutes les commandes en cours, pour chaque table, mais qu’une fois le paiement effectué, ils étaient dans l’incapacité de se remémorer qu’elle était la commande. Par contre, ils se souvenaient parfaitement des commandes passées au moment où les clients arrivaient en caisse.

Cela l’a tellement intrigué qu’elle a décidé de l’étudier plus en détails.

Pour prouver la réalité du phénomène, la psychologue a alors réalisé une petite expérience : des participant (enfants et adultes) devaient effectuer de manière rapide et correcte, une vingtaine de petites tâches basiques comme résoudre des puzzles et enfiler des perles.

Mais, pour la moitié des participants, elle les interrompit plusieurs fois dans certaines de leurs activités, pour leur faire effectuer d’autres tâches.

Puis, lorsque l’autre moitié des participants eurent terminé leurs tâches basiques, elle les rassembla et leur demanda quelles tâches ils se souvenaient avoir fait.

Verdict ?

Les participants qui avaient été coupés dans leur élan se souvenaient deux fois mieux des tâches inachevées que celles qu’ils avaient terminées.

Selon l’effet Zeigarnik, on se souvient ainsi mieux des tâches inachevées que des tâches terminées.

L’angoisse de ne pas terminer ce que l’on a commencé

Notre nature humaine nous pousse à finir ce qui a été commencé. Et lorsque ce n’est pas le cas, nous ressentons un sentiment inconfortable de dissonance, voire même de culpabilité. Ne pas finir quelque chose nous met dans un état de tension qui nous pousse à porter plus attention à ce qu’on souhaite terminer.

C’est ce qui nous pousse à terminer la saison commencée sur Netflix.

Mais aussi à réfléchir à un problème complexe en dormant, et à se réveiller avec la solution.

C’est aussi ce qui nous pousse à nous rappeler les tâches en suspend, la liste des courses, à n’importe quel moment. Car il s’agit de tâches inachevées qui ne demandent qu’à l’être.

Mais c’est également cet état de tension induit par l’effet Zeigarnik qui nous pousse à avoir une forte charge mentale, à finir par être en surcharge de travail, et à générer tension et stress inutile face à la montagne de choses à accomplir.

Les 8 corollaires de l’effet Zeigarnik

1 ) Vous savez à chaque instant tout ce que vous avez commencé et où vous en êtes

C’est bien pratique de se souvenir des tâches inachevées. Cela permet de reprendre une tâche là où on l’avait laissé.

Car oui, dans certaines circonstances on est obligé de laisser en suspend une tâche, parce qu’on attend un retour d’un fournisseur, parce qu’on a dû traiter une urgence, parce qu’il y a un bug technique, etc…

Le problème, c’est que plus on a de tâches inachevées, plus on doit se souvenir de leur état, et plus on accapare de la mémoire. Et la mémoire, on n’en a pas en quantité illimitée. Cela génère une charge mentale conséquente et peut même amener à une surcharge. Et là, attention les dégâts.

Finalement, notre cerveau fonctionne un peu comme un ordinateur : on a une quantité définie de mémoire et lorsqu’on atteint les 100%, il se met à ramer.

2 ) Quand quelqu’un vous demande une liste de ce que vous avez fini, vous avez déjà tout oublié

Qu’avez-vous fait de marquant l’année dernière ? Une question, et pourtant en y réfléchissant bien, à part les vacances au soleil dans les îles, qu’avez-vous fait de marquant ?

Rien. Vous avez lézardé toute l’année, vous avez glandé, jour après jour, mois après mois. C’est en tout cas ce que votre cerveau te fait croire.

Parce qu’il a tout oublié. C’est passé, c’est réalisé, ça n’a plus d’importance.

Pourtant si vous aviez dressé une liste de tout ce que vous avez fait de marquant l’année dernière, je suis persuadé que vous auriez des dizaines et des dizaines de choses à me dire.

D’où l’importance des listes de tâches (les fameuses To Do List).

Non seulement ça permet de ne pas oublier les futures tâches à accomplir, mais on se rappelle d’un coup d’œil tout ce qui a été accompli.

Au quotidien dans mon travail, je note tout ce que je fais : les actions techniques sur les serveurs, les tâches projets réalisées, les tâches d’exploitation réalisées. Et lorsque 6 mois plus tard avec l’équipe on a besoin de se rappeler de qui a fait quoi et surtout comment, on ressort notre historique, et on a la réponse.

Non seulement je peux justifier à tout moment de tout ce que j’ai fait, mais même 2 ans plus tard on peut retrouver les actions effectuées pour les reproduire, ou modifier ce qui a été fait.

Un gain de temps non négligeable.

3 ) Plus vous commencez de tâches sans les finir, plus votre stress augmente

Multiplier les tâches en cours de réalisation, donc sans les finir, c’est faire du multitâche. Et c’est tout sauf efficace.

Votre cerveau ne sait que travailler en mode séquentiel, une tâche après l’autre. Il ne connaît pas le mode parallèle comme un ordinateur capable de faire des millions de calculs par seconde.

Du coup plus vous commencez de tâches sans les terminer, plus vous augmentez la mémoire utilisée pour retenir les informations de chacune de ces tâches, plus vous augmentez votre charge mentale.

Et si vous persistez dans cette voie, cela vous emmène dans le cercle vicieux et inévitable de la surcharge de travail.

Que ce soit la surcharge de travail ou la charge mentale conséquente, tout cela engendre du stress au quotidien, ce qui va perturber non seulement votre santé mais aussi votre équilibre de vie tout entier.

4 ) La tension diminue quand vous finissez une tâche

On l’a vu, plus vous lancez de tâches en parallèle sans les terminer, plus vous augmentez votre charge mentale, ce qui occasionne sur le long terme des problématiques de surcharge de votre cerveau.

Pour lutter contre cet effet négatif, il y a un truc simple et extrêmement efficace : terminer et clôturer les tâches actuellement inachevées.

On l’a vu, le cerveau n’aime pas se rappeler des choses passées, et préfère se concentrer sur le futur, sur le reste à faire.

Lorsqu’on termine une tâche, notre cerveau inscrit les dernières informations dans son registre, le referme et l’envoie se ranger au fin fond des archives, pour libérer de la place.

Pour faire redescendre stress et tension, il vous faut donc contrôler le nombre de tâches actuellement en cours, et vous assurer qu’il n’y en a pas trop.

5 ) Le cerveau n’aime pas l’ambiguïté

Notre cerveau déteste toute forme d’ambiguïté. C’est le résultat d’une étude menée à l’université du Michigan par Noah Schiffman et Suzanne Greist-Bousquet (1992).

Ils en sont arrivés à la conclusion que l’angoisse apparaît lorsque :

  • Nous sommes dans l’incapacité de finir quelque chose
  • Nous nous trouvons dans l’incapacité de comprendre
  • Une information ambiguë surgit
  • Une nouvelle information remet en cause tout ce qui s’est produit avant

Pourquoi ?

Notre cerveau a un besoin fondamental de résoudre des problèmes et de comprendre. Une tâche inachevée est un problème en attente de résolution.

Et il carbure, non stop, jour et nuit, jusqu’à trouver un moyen de résoudre cette problématique.

C’est comme ça depuis la nuit des temps. Il en a toujours été et il en sera toujours ainsi.

Et c’est grâce à ce fonctionnement que nous sommes passés de la découverte du feu aux smartphones 5G.

6 ) Vous retiendrez mieux quelque chose si vous le faites plusieurs fois

Vous connaissez sûrement le vieux dicton : « C’est en forgeant qu’on devient forgeron ».

Dire qu’on a vu juste depuis le début.

En répétant encore et encore une même tâche, on est plus susceptible de s’en souvenir par la suite.

Ainsi, fractionner tes temps d’apprentissage te permet de mieux retenir les informations.

Une étude de McKinney (en 1935), suggère même que les étudiants qui s’autorisent à arrêter d’étudier pour jouer ou faire une activité physique se rappellent mieux de leurs sujets que ceux qui étudient d’une seule traite sans faire de pause. 

7 ) Vous pouvez réduire l’effet Zeigarnik en accomplissant une tâche similaire à la tâche inachevée

Ici, je vous demande ni plus ni moins que de travailler avec la méthode des blocs de temps afin de maximiser votre efficacité.

L’idée est simple : plutôt que de traiter la tâche A1, puis passer à la tâche B1, puis à la tâche C1, avant de passer à la tâche A2, et ainsi de suite … Vous allez préférer les traiter par blocs : toutes les tâches A, puis toutes les tâches B, etc…

En effet, lorsque vous passez d’une tâche A à une tâche B, il s’agit pour votre cerveau d’un nouveau problème à résoudre. Il prend donc un temps d’adaptation pour bien comprendre les enjeux, les objectifs, les variables afin de bien cerner la problématique. Et ça se répète à chaque fois que vous changez de tâches.

Par contre, si vous traitez vos tâches par bloc, toutes les 1 ensemble, puis toutes les B et ainsi de suite, votre cerveau agit alors différemment : traiter les tâches A est un seul et même problème, il est juste répété X fois. Plus besoin de temps d’adaptation, il suffit de répéter ce que l’on vient de faire.

La méthode des blocs ininterrompus est d’ailleurs selon moi l’une des clés de l’efficacité.

Regroupez donc toutes les tâches similaires et traitez-les en bloc.

8 ) Si vous avez quelque chose de difficile à faire, commencez par la partie facile

Beaucoup de gens sur Internet vous conseilleront de commencer par les tâches les plus difficiles (la méthode « Eat that frog »).

Je ne suis pas d’accord. Laissez-moi vous expliquer pourquoi.

Commencer par une tâche difficile, ça ne vend pas du rêve. On attaque direct dans le complexe, on sue à grosses gouttes, on s’acharne dessus et quand enfin on en arrive à bout, on se rend compte qu’on a tout dépensé.

Au contraire, commencer par une tâche facile et rapide permet de se mettre en disposition pour la suite. C’est un peu comme l’échauffement pour les sportifs. Avant de commencer à lever 120 kg, on commence par des petits poids, on prépare ses muscles à soulever une charge imposante.

En commençant petit et facile, cela aura pour effet d’augmenter votre confiance en vous, votre motivation et votre détermination pour poursuivre et achever la suite.

C’est un quick win. Une victoire rapide.

Rien de tel que de cocher rapidement quelques cases « achevées » sur sa liste de tâches avant d’attaquer le gros du boulot.

Comment transformer l’effet Zeigarnik pour libérer son cerveau des tâches inachevées ?

On l’a vu, l’effet Zeigarnik peut engendrer une charge mentale conséquente, qui à son tour peut impacter négativement ton efficacité. Alors comment transformer cet effet en force ?

D’après la « théorie dynamique de la Personnalité” de Lewin, commencer une tâche sans l’achever crée une sorte de tension dans votre esprit, ce qui rend cette tâche plus facile d’accès pour votre cerveau.

Cette tension n’est alors résolue qu’en terminant la tâche, ce qui vous incite fortement à le faire. Peu importe notre résistance, nous sommes tous programmés pour finir ce que l’on a commencé.

L’effet Zeigarnik est donc un outil anti-procrastination par excellence!

Que vous soyez plongé dans une tâche importante ou insignifiante, ne pas terminer ce que vous avez commencé déclenchera une petite alarme dans votre esprit. Un seul mot d’ordre : Finir la tâche quoi qu’il arrive. Et elle résonnera dans votre esprit jusqu’à ce que vous ayez terminé la tâche en question.

Également, pour tirer le meilleur parti de l’effet Zeigarnik et d’éviter ces effets négatifs :

  • N’hésitez pas à utiliser des todo list pour soulager votre cerveau, et vous rappeler tout ce qui a été fait lorsque vous douterez de vous ou que vous aurez l’impression de ne pas avancer.
  • Évitez le multi-tâches à tout prix, pour diminuer la charge mentale et éviter du stress inutile
  • Faites des pauses régulièrement et forcez-vous à faire autre chose que votre travail pendant quelques instants. La tâche inachevée vous restera en mémoire, et votre cerveau continuera à y travailler en tâche de fond, même si vous prenez un café ou partez prendre l’air. C’est d’ailleurs comme ça que mes problèmes complexes se débloquent souvent.
  • Adoptez la méthode des blocs de travail ininterrompus : regroupez toutes les tâches similaires, et traitez les en lot, les une à la suite des autres.

Et vous, quelles sont vos astuces afin de désencombrer votre cerveau et de le libérer des tâches inachevées ?

Thibault Baheux

A propos

Tour à tour manager et chef de projet depuis 2008, j'ai managé des équipes jusqu'à 40 collaborateurs, aussi bien en management hiérarchique direct qu'en transversal.

Manager des personnes, c'est la chose la plus compliquée que j'ai eu à faire dans ma carrière. Mais c'est aussi la plus passionnante !

Je partage avec vous sur ce site mes meilleurs conseils, mes retours d'expérience, ma vision du management d'aujourd'hui et de demain.

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