Thibault Baheux
27 avril 2023  - minutes de lecture

« Il a les dents qui rayent le parquet »

Qui n’a pas déjà entendu cette phrase ? Mais pourquoi vouloir évoluer dans une entreprise, « faire carrière » ? Plus d’argent, de reconnaissance, de pouvoir…un peut tout ça à la fois ?

Par chance nous sommes tous différents, mais reconnaissons-le, quand il s’agit d’aller voir le banquier pour demander un prêt immobilier, pour les 25 prochaines années, c’est quand même plus confortable avec un CDI et un bon salaire… et pour cela certains sont armés pour aller loin…mais se tromper de guerre…c’est juste aller droit… dans le mur !

Manager est souvent vu comme un but à moyen terme, quoiqu’il existe des écoles qui forment au management, cela veut-il dire qu’on peut être Manager à la sortie de l’école ?

Est-il possible, lorsqu’on fait une école hôtelière, de démarrer directement comme chef de cuisine ? Tout cela sans être passé par la plonge, commis de cuisine, etc… ?

Mhm…vaste sujet avec plusieurs questions et bien sûr plusieurs réponses.

Je me rappelle de ma première entreprise…

L’entretien a duré 10 minutes !

Il est environ 15h30, je suis concentré sur un problème technique, deux autres collègues en font autant pendant qu’un troisième est au téléphone avec un client. Nous avons la chance d’être dans un bureau avec beaucoup de lumière, car la cloison côté couloir est complètement vitrée.

Sans vitrophanie, ça fait classe mais dès que quelqu’un passe dans le couloir ça attire l’œil… en y repensant c’est vrai qu’on avait l’air de 4 poissons dans un bocal.

C’est lors d’un de ces fameux passages dans le couloir que s’est produit un événement que je ne suis pas prêt d’oublier !

Il avance, propre et très professionnel dans son costume. Accompagné d’une collègue, il se dirige vers le bureau de notre PDG. Mon voisin raccroche son téléphone et forcément, c’est humain, on commence à lancer les paris sur le fait qu’il sera notre futur collègue…ou pas !

Il est jeune mais à l’air sûr de lui, on en avait entendu parlé un peu avant : « c’est un super profil, il a l’air top, faut qu’on le rencontre !».

Quel ne fut pas notre étonnement quand à peine 10 minutes plus tard, on le voit avancer dans la direction inverse, d’un pas rapide et franchir la porte…

Le PDG nous confie, quelques minutes après dans notre bureau, le déroulement de l’entretien :

Nous : « Ben qu’est ce qui s’est passé ? »

Notre PDG : « Je lui ai demandé de se présenter et ce qu’il souhaitait faire dans la société »

Nous : « Et alors ? »

Notre PDG : « Il m’a dit qu’il venait de terminer ses études comme major de promotion, et a demandé où était l’équipe qu’il allait encadrer ».

Nous : « Et alors ? »

Notre PDG : « J’ai répondu : la seule chose qui a un cadre ici c’est la porte et c’est d’ailleurs celle que vous allez prendre, elle est par là… »

Vous imaginez bien la rigolade dans le bureau…  avec le recul j’espère qu’il a su faire de cette expérience une force et ne pas reproduire le même discours.

Comme le disait notre ami Albert :

“La valeur d'un homme tient dans sa capacité à donner et non dans sa capacité à recevoir.”

- Albert Einstein -

Est-ce légitime de diriger une équipe dans ces conditions ? Faut-il être technique pour piloter une équipe opérationnelle ? …

Notre métier vu par les autres

Au Québec, pays au combien sympathique, le respect de la langue française (en évitant les anglicismes) impose de ne pas dire « Manager » mais « Gestionnaire ». Étrangement cela sonne différemment tu ne trouves pas ? Comme si le prestige laissait la place au concret.

A titre de comparaison « Consultant » se dit « Conseiller ». Je trouve ces termes plus justes et adaptés, chaque mot a son importance. De là à dire qu’un « Chef de projet » est en réalité un « Responsable de Problèmes », il n’y a qu’un pas…  à croire que le mot « Chef » fait briller les yeux de beaucoup…

Si une vision 360° pouvait résumer comment dans l’IT, chacun se perçoit, ce pourrait être ainsi :un manager doit-il être technique pour piloter une équipe :

Bien sûr, il ne faut pas partir dans les clichés, mais franchement c’est tentant non ? 

C’est justement parce que c’est tentant qu’une des compétences de « Manager » est de comprendre les différents métiers, et au-delà des rôles, les sensibilités, personnalités, interactions qui composent l’humain.

Véritable chef d’orchestre, il doit subtilement accompagner les différents instruments dans un symphonie sans fausses notes… mais pour cela doit il savoir jouer de chaque instrument pour être légitime du haut de son pupitre ?

Manager : métier ou compétence ?

« Manager » c’est un peu comme « informaticien », on peut y ranger plein de « choses » 

A titre d’exemple voici quelques formations de management parmi tant d’autres (source :https://diplomeo.com/formations-metier-management) :

  • Bachelor Management du Luxe
  • Bachelor Management de l’Environnement
  • Bachelor Management de Restaurant
  • Master Management de l’Environnement
  • Master Management de la Santé
  • Master Management des Risques
  • Master Management Hôtelier

Pour simplifier nous pourrions croiser deux points de vue pour se faire une idée plus précise des compétences requises pour être manager :

Point du vue du salarié :un manager est un responsable qui valide mes congés, anime l’équipe. C’est avec lui que je passe mon entretien annuel et c’est lui qui va défendre mes augmentations auprès de la direction.

Point de vue de l’entreprise :C’est une personne de confiance, qui sait allier la gestion de l’humain tout en garantissant l’atteinte des objectifs. Il est le pivot avec les équipes opérationnelles et synthétise les indicateurs nécessaires à la prise de décisions.

Ces regards font ressortir un point essentiel : il existe bien des compétences liées au management, indépendantes de l’activité. Attention cependant, même si certaines peuvent être innées, manager ne s’improvise pas.

Il est important de ne pas prendre des appétences pour des compétences… malheureusement cela se produit encore dans les sociétés, ou certains salariés sont devenus manager sans être formés, ont appris sur le tas de leurs erreurs. Cela est contre productif et peu parfois amener à des drames humains… autant pour le manager que pour les managés. D’ailleurs, en connaissez-vous ? 

A noter que la fonction de manager est fortement conditionnée par la taille de l’entreprise, et le nombre de personnes managées. Il n’est pas rare de voir des managers de petites équipes travailler de façon opérationnelle (et facturable au client), le management pur n’étant que 10% ou 30% de leur temps, tout simplement car il est nécessaire de faire rentrer du cash…

C’est également un bon moyen de garder un équilibre entre la prise de hauteur nécessaire à la fonction et la réalité terrain.

Les managers dédiés à 100% existent bien sûr, même si ils sont moins nombreux, et se trouvent souvent dans les grands groupes.

Ce peut donc être un métier à temps plein, mais ce n’est pas la norme en PME, et c’est pourquoi les étudiants en management sortant d’école devraient y être sensibilisés. Souvenez-vous de l’aller-retour du major de promo dans le couloir :).

Une formation en école et/ou en entreprise des techniques de management permet d’être efficace et factuel (mais aussi de gagner du temps, en ne faisant pas toutes les erreurs seul avec son équipe). Bien sûr, l’expérience et les qualités humaines du manager (pas de formation pour ça) font la différence sur le terrain, notamment quand il s’agit de transmettre…

Ô Capitaine, mon capitaine !

Le monde change vite, le manager est un véritable guide sur le navire, il sait avancer dans la tempête, permet de se concentrer sur l’essentiel, de traverser les moments difficiles et célébrer les victoires.

Innover, remettre en cause les idées reçues, positionner l’humain au cœur du changement pour avoir une longueur d’avance, sans oublier d’apporter du sens devant chaque action, l’envie de grandir ensemble derrière chaque mot.

Besoin de repères, de reconnaissance, des prises de responsabilités, d’organisation, les casquettes se multiplient. Pour qu’elles soient bien portées, le manager a besoin de comprendre pour faire, et faire comprendre…

Comprendre pour faire et faire comprendre

Il n’est pas possible de connaître tous les métiers. Même dans un secteur précis, en 5 à 10 ans les cartes peuvent être balayées et les règles du jeu redessinées. Il faut pourtant tenir la barre…(et les indicateurs).

Quelques exemples de changement influençant les résultats d’une équipe :

  • Explosion des silos et rassemblement de plusieurs équipes en une « Team » multidisciplinaire, avec l’historique, les frictions et les résistances au changement que cela implique (les sys, les dev, les sec…).
  • Changement de génération avec les X,Y et Z, parfois au même endroit  !
  • Sur des périodes courtes, intégrer aux équipes des prestataires externes, main dans la main mais avec des métiers différents de celui de l’entreprise, et une culture d’entreprise différente (encore mieux dans un contexte international) :).

Il n’est pas nécessaire (et possible) de tout maîtriser pour gérer, d’autant plus dans un monde qui va de plus en plus vite, où la seule constante est finalement le changement (je l’aime bien celle là) 

Comment faire alors ?

Le manager va alors s’appuyer sur les expertises des « sachants » et piloter les indicateurs de gestion nécessaires à l’atteinte de objectifs. Les qualités humaines vont alors être primordiales pour que la partition se joue sans fausses notes…

Car ne nous voilons pas la face, maîtriser l’opérationnel est un avantage indéniable en terme de légitimité, et donc d’autorité auprès des équipes.

C’est humain, on accorde plus facilement notre confiance à quelqu’un qui a connu notre métier, et est devenu manager par la qualité de son travail, avec le temps. Il peut même être un exemple duquel on peut apprendre pour faire de même.

Cette légitimité, acquise de facto, permet également de gagner du temps, même si il faudra prouver ses compétences de manager au quotidien, le climat de départ est bien différent.

Le revers de la médaille, en tant que manager, est de tomber dans le piège de la prise de décision en autonomie, sans s’appuyer sur son équipe. Plusieurs raisons possibles à cela :

  • En désaccord avec les opérationnels, s’appuyer sur sa seule expérience pour la prise de décision. Quelques mots qui peuvent aider si tu sens venir cette situation :

“Tout seul on a raison, à plusieurs on a juste.”

  • La charge des équipes importante qu’on ne veut pas augmenter : on fait alors des choix opérationnels pour aider, mais c’est souvent une fausse bonne idée (pour soi ou son équipe)…même si l’on pense bien faire.
  • La pression de la direction, où il faut faire plus avec moins, au risque de délaisser ses fonctions de manager pour se retrouver comme opérationnel pur « temporairement » mais cela peut durer…comment faire quand il y aura un nouveau pique de charge ? Assumer le travail d’une troisième personne ? Si les limites ne sont pas claires, attention, danger !

La gestion des talents sur lesquels s’appuyer est peut être une clef principale dans le trousseau du Manager. La communication, mais également la pédagogie sont également des alliés précieux pour que la mécanique ne s’enraille pas. Le Manager prend le rôle de facilitateur pour aider et que chacun trouve sa place s’épanouisse dans un but commun.

Si vous n'êtes pas manager à 40 ans, vous avez raté votre carrière !

Oui, mais non ! Et surtout pourquoi ?

Manager n’est pas une fin en soi. Comme au rugby, c’est un acteur de la mêlée, une pièce du puzzle.

Pourtant cette idée à la vie dure, peut-être car on associe facilement la fonction de manager aux responsabilités qui vont avec et par ricochet un salaire important. Cela sous entendrait également que dans une carrière on doit évoluer financièrement pour atteindre son maximum au moment de la retraite…

Les visions évoluent et tout le monde ne souhaite pas devenir Manager (et un opérationnel peut très bien gagner plus qu’un manager).

Selon une étude BVA en partenariat avec Audencia Business School, seulement 20% des salariés souhaitent devenir « Manager ». En prenant un peu de recul, c’est plutôt une bonne chose non ? Que faire si tout le monde voulait être Manager ! 

Les causes de ce pourcentage « à priori » faible : 61% redoutent le stress, 42% le manque de reconnaissance interne et 56% la lourdeur administrative.

Sans rentrer dans des débats philosophiques, on pourrait se poser alors les questions suivantes : ça veut dire quoi réussir sa carrière ? Quels sont les indicateurs de la réussite, de sa réussite ? Autant de réponses que de personnes sur terre  …

Le salaire n’est pas le seul moteur bien sûr et ces quelques chiffres amènent à repenser les phrases toutes faites, comme les conceptions de la réussite.

Mais alors, existe-t-il un autre paramètre dans l’équation qui pousse les managers à choisir et s’épanouir dans cette voie ?

L'humain, l'humain, l'humain ...

Si les modes passent, les technologies défilent, l’humain lui reste au cœur du changement.

Avec les mêmes moyens et les même contraintes, les projets peuvent réussir ou s’effondrer en fonction des Femmes et des Hommes qui les animent.

Ce point est si crucial qu’il est même devenu un vecteur de croissance et de différenciation.

Entre deux sociétés, si l’une vous propose un engagement pour le bien-être au travail et une souplesse comme le télétravail pour s’adapter aux contraintes de la vie, alors que l’autre n’en parle même pas, laquelle rejoindriez-vous à salaire équivalent ?

Ainsi les talents attirent les talents et ça peut faire la différence dans une dynamique où la concurrence est exacerbée.

Sans être un ou une « Chief Happiness Officer », le manager joue un rôle essentiel dans la transformation de son entreprise, car une entreprise qui n’avance pas, recule…

Comment faire la différence entre un bon et un mauvais manager ?

Et oui, pour le coup, il existe une vraie différence entre les bons et les mauvais managers, mais comme beaucoup de sujets, ça dépend des points de vue 😉 !

Côté direction, si les objectifs sont atteints et que personne ne se plaint, c’est que tout va bien (je grossis le trait volontairement, mais ce n’est pas rare).

Dans ce « mode de management » il est important de ne pas oublier le taux de turn-over comme indicateur…au risque de voir une fuite des talents tardivement, une fois que le mal est fait.

« Tout va bien pour le moment, disait l’homme en train de tomber de l’immeuble en regardant sa montre ».

Le bon manager sera celui qui sait se faire oublier, au point que tout tourne sans lui. Il aura su mettre les actions nécessaires à la performance et donner le niveau suffisant d’autonomie aux équipes, sans oublier la reconnaissance qui est un des meilleurs carburant vers le dépassement de soi.

« Diviser pour mieux régner ou faire grandir pour réussir ». Je vous laisse faire votre choix mais sachez que :

« Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse »

Je vous laisse méditer sur cette citation et trouver l’inspiration managériale à l’odeur de sapin, ou de boulot si vous préférez 

A vous de jouer !

Être technique pour manager une équipe opérationnelle peut être au final un avantage autant qu’un inconvénient. Les sirènes « du faire ou choisir à la place de » sont tentantes et bien des managers, anciens techniques y ont succombé, pour terminer sur une île solitaire dont ils ne sont jamais revenus…

Être formé au management, s’appuyer sur l’humain, connaître son ou ses équipes et les aider à se transformer, ce sont des atouts et des compétences qui doivent être mises en scène, peu importe l’origine (technique ou non) pour fixer le regard vers une seule destination : la réussite, ensemble.

Si je devais parler d’une personne qui a su rendre en retour ce qui lui a été offert c’est bien Jean-Pierre : SDF pendant 10 ans, il est devenu référent technique pour IBM Europe.

Après plusieurs types de management vécus, il a su ensuite accompagner plusieurs personnes, devenues à leur tour référentes dans leur domaine, mais ça c’est une autre histoire que je vous invite à retrouver ici : https://coder-pour-changer-de-vie.com/de-la-rue-a-referent-pour-ibm-europe/

Heureux d’avoir fait ce petit bout de chemin ensemble, j’espère vous avoir apporté un angle de vue complémentaire et décontracté.

Je remercie Thibault de m’avoir permis de participer à son aventure via cet article et vous dis à bientôt pour ceux qui veulent connaître ou faire connaître « Coder pour changer de vie » > en cliquant ici < !

Thibault Baheux

A propos

Tour à tour manager et chef de projet depuis 2008, j'ai managé des équipes jusqu'à 40 collaborateurs, aussi bien en management hiérarchique direct qu'en transversal.

Manager des personnes, c'est la chose la plus compliquée que j'ai eu à faire dans ma carrière. Mais c'est aussi la plus passionnante !

Je partage avec vous sur ce site mes meilleurs conseils, mes retours d'expérience, ma vision du management d'aujourd'hui et de demain.

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